LES AUTEURS LAURÉATS D'UNE BOURSE DE CRÉATION EN 2025
Ouvertes à tous les auteurs vivant en Occitanie et sous certaines conditions de publication, ces bourses révèlent de nouveaux talents et distinguent parfois des écrivains bien avant qu’ils n’acquièrent une reconnaissance publique. Elles consolident également des parcours de créateurs déjà reconnus afin de les accompagner dans l’avancement de leur œuvre et favorisent la traduction d’œuvres étrangères en français. Ces bourses sont destinées à soutenir des projets déjà structurés et en cours d’écriture.
Lauréats 2025
Édith Azam
© DR.
La première fois que nous avons entendu Édith Azam, c’était au Marché de la Poésie jeunesse de Tinqueux en Champagne. Elle déclamait ses Poèmes en peluches. Les adultes qui la connaissaient la regardaient avec admiration, ceux qui la découvraient avaient un air inquiet ou étonné, les enfants – qui constituaient l’essentiel du public – explosaient de rire, ne pouvaient plus s’arrêter, mais restaient néanmoins concentrés sur la suite du... récital ? Spectacle ? Performance poétique contemporaine ? Qui est-elle finalement, Édith Azam, une femme-clown, une pédagogue douée, une poétesse novatrice et hypersensible ?
À la suite de cette rencontre, Le Port a jauni s’est engagé dans une collaboration éditoriale avec celle qui est, pour nous sans aucun doute, une grande poétesse francophone contemporaine.
Une première publication avec Poèmes en peluches en 2021, puis nous commençons une œuvre commune avec Rien à faire on s’embourbe (2024), Je meurs d’amour et de colombes (2025), On n’a jamais su, pour les langues (2026), à suivre… Cette œuvre est infinie, elle repose sur un engagement du Port a jauni auprès d’Édith Azam de publier chaque année un livre de poésies écrites par elle, extraites d’un recueil qui peut être plus large tel que ce recueil actuellement en écriture : Infinie Déchirure.
L’écriture d’Édith Azam est magnifique et puissante. Elle se lit et s’entend à tous les âges. Elle s’oralise et s’amplifie à chaque nouvelle lecture.
Mathilde Chèvre, éditrice, Le port a jauni
Pierre-Jean Bourgeat
© DR.
Pierre-Jean Bourgeat n’a pas appris l’espagnol à l’école mais dans les rues ibériques à l’heure où la péninsule réinventait le punk et les luttes sociales ainsi que parmi les exilés.
Après avoir exercé divers métiers, il déambule de l’Espagne à l’Amérique centrale. Au gré des rencontres, il devient interprète puis instituteur dans un village mexicain reculé. Il entre en traduction comme le Petit Poucet, s’attaquant aux mots et images de Roque Dalton, poète salvadorien héros en son pays, révolutionnaire fusillé lors d’une purge stalinienne et méconnu sous nos latitudes.
Lorsqu’on s’intéresse à l’Histoire et aux histoires, qu’elles soient tues ou peu connues, on creuse du Sud-est mexicain à la Patagonie, des guérillas espagnoles aux révoltes asturiennes, de l’anarchiste Abel Paz au 68 mexicain, de la Brigade de la colère britannique aux libertaires en Pays basque, d’un roman surréaliste pyrénéen au flamenco de Camarón de la Isla. On laboure en littérature entre village imaginaire et déchiré dans les brumes et guide pour arnaqueurs madrilènes de la Belle époque. Et puis, retour au Chiapas par l’ouvrage fondamental de García de León : celui qui narre cinq siècles de désastres, de ravages, d’oracles, de trahisons mais aussi d’espoirs, de combats, de ruses, en un mot d’utopies dans une région livrée aux images mais dont on ne connaît guère les rivières souterraines jaillissant en une explosion nocturne imprévue.
Histoire, poésie ou musique, serrer le sens de près, chercher mots, nuances, sonorités, rythme, respecter le texte, avec toujours cette appréhension de trahir.
Si chaque traduction est source de recherches et d’apprentissages, elle est aussi rencontre, complicité intellectuelle et humaine. Certains de ces auteurs sont donc devenus des amis.
Sarah Feuilherade, correctrice
Hélène Ferrarini
© Ronan Lietar
Que ce soit à l'écrit, par ses articles journalistiques, ou bien la fiction, le scénario de bande dessinée, puis en radio et depuis quelques temps sous forme de films, Hélène Ferrarini a toujours eu à cœur de faire des allers-retours entre le présent et le passé, la grande et la petite histoire, de faire vibrer les petites voix au milieu du grand tumulte.
Pour avoir eu l'occasion de la suivre lors d'entretiens réalisés pour ses articles, j'ai pu apprécier la bienveillance qu'elle portait à chacun.es de ses interlocuteur.ices, sa qualité d'écoute et la manière dont elle arrivait à restituer au mieux des fragments de vie.
Dans ses écrits, Hélène s'attache souvent à des détails, infimes voire intimes, afin de donner toujours plus de place à la nuance et à la complexité des vies.
Dans son enquête publiée aux éditions Anacharsis en 2022, Allons enfants de la Guyane. Éduquer, évangéliser, coloniser les Amérindiens dans la République, Hélène Ferrarini témoigne de cette page inconnue de l'histoire de la Guyane et de la République française, l'histoire de ses pensionnats catholiques, les "homes indiens ", dans lesquels des générations d'enfants amérindiens ont été placés de force avec le consentement de l'État .
Cette histoire, elle en a pris connaissance au détour d'une conversation partagée avec son ami, le juriste amérindien Alexis Tiouka, presque une anecdote. De cette évocation, et du poids que celle-ci semblait recouvrir, Hélène a su y déceler une grande faille car l'un de ses nombreux talents est de savoir lire entre les lignes.
À travers ses différentes publications, elle nous invite toujours à prendre le temps d'observer et d'écouter.
Damien Cuvillier, dessinateur de bandes dessinées
Soline Garry
© DR.
Soline dessine comme on ouvre une porte dans un mur qu’on croyait plein. Il y a du souffle dans ses traits, du silence dans ses couleurs, et des mondes entiers qui tiennent sur un coin de papier. On y croise des créatures douces, des émotions à plumes, des paysages intérieurs où l’on peut s’asseoir un moment.
Elle est un peu viking, un peu luciole. Elle avance entre les contrastes — entre l’ombre et le lumineux, la douceur et la force, le rêve et la matière. Son art ne cherche pas à expliquer, il invite. Il pose la question sans les mots, et chacun y trouve sa propre réponse, parfois en forme d’oiseau.
Sous la tendresse apparente se cache une énergie ancienne. Une sorte de gravité légère. Elle transforme l’invisible en images, les silences en formes. Il y a dans ses œuvres comme une mémoire du monde, ou d’un monde oublié, qu’elle rend visible l’air de rien.
Soline ne cherche pas à plaire. Elle cherche juste à être vraie. Et dans cette vérité-là, il y a une magie tranquille, un peu sauvage, toujours libre
Portrait très approximatif (mais sincère), écrit pour l’occasion à 14 mains (1 par personne) par :
Anam Gu Anam, Annabel Sablon, Anne de Guerdavid, Catherine Bonte Navarrot, Christophe Devillers, Clémentine Doran, Emilie Pezet, Florence Richard, Francis Grandvoinnet, Jean-Pierre Grezes, Lyne Charlier, Paloma Pradal, Stéphanie Ubeda & Vincent Caille
Mathilde Magnan
© Mathilde Magnan.
À la regarder Mathilde, on la dirait discrète. On la penserait timide, même...
À mieux la regarder cependant, et à mieux la connaître peut-être, on saisira au fil du temps - au détour d’une conversation, d’une réunion de travail ou d’un repas entre amis - comme une malice fugace. Une ironie douce. Et un vrai redoutable humour. Tout cela en douceur toujours. On saura alors et à coup sûr qu’on se trouve là devant un caractère. Plus qu’entier. Un univers en soi.
Et effectivement on ne s’y trompera pas. Ça foisonne, c’est vrai. Juste là, sous la surface…
Une fois ouverts ses livres, une fois ses images offertes, on se perdra avec le sourire à la suite de cette autrice-illustratrice singulière. On se laissera entraîner, grands et petits pêle-mêle. On n’aura plus du tout son âge. On voyagera au fil de ses textes chimériques, au gré de son humour ravageur, dans son univers croqué d’un crayon farfelu. On jubilera à la frontière entre réalité et imaginaire, dans son monde peuplé d’incroyables petites bêtes touchantes et parfois effrayantes, d’oiseaux, d’insectes, de végétaux en tout genre et de drôlatiques spécimens non humains.
Ce monde vivant, celui qu’elle aime, qu’elle veut faire aimer et découvrir dans ses livres, Mathilde l’explore en tout sens. Elle l’étudie, l’éprouve. Elle le vit pour de vrai. Créatrice décidément surprenante, elle se fait volontiers exploratrice de chemins en forêts ou jardinière. Selon la saison on la trouvera dans sa serre ou dans son atelier, occupée à semer ses petites graines d’idées folles et de livres ou qui sait, ses jeunes futurs vrais grands projets de tomates…
Annie Agopian, Autrice pour la jeunesse
Agathe Moreau
© Franck Alix
Le trait. C’est ce qui me vient à l’esprit quand je pense au dessin d’Agathe ; c’est un trait qui va vite, s’arrondit, marque un temps d’arrêt, rebondit quelque part ailleurs. Le trait, chacun.e possède le sien. Celui d’Agathe accorde autant d'importance au vide qu’au plein, c’est l’absent qui invite à prolonger le présent, l’imagination de notre cerveau à reformuler un ensemble dans toute sa cohérence, et dans sa poésie. Quand elle raconte une histoire, le caché, l’évoqué et le suggéré lui permettent de donner de la place au vécu du lecteur, pour imaginer dans ces espaces libres le morceau de vie qui résonne, souvent avec douceur.
Olivier Lauret, compagnon de l'autrice
Miel Pagès
© DR
Quand j’ai rencontré Miel Pagès, elle égrenait sa poésie dans les bars et dans la rue, sous forme de stickers et de zines ; écrivait déjà le désir agrippé comme une ronce à sa septième lèvre ; sublimait déjà les histoires d’amours foireuses et les lendemains de fêtes riches en métaphores. Poétesse, performeuse, vidéaste – son cheval de bataille : rendre la poésie vivante, populaire, politique. Lire Miel Pagès c’est comme écouter Britney en lisant Lacan sous la douche avec un donuts dans la bouche ; c’est comme tremper ses larmes dans un verre de vin avant de nouer des orgasmes à ses cheveux.
Ses recueils – La Septième Lèvre et Les Sublimations – invitent le trivial à la table du poétique, faisant fit des convenances, des mot d’ordre, des injonctions lyriques. Le corps s’y déploie – qui est là et pourtant nous échappe, contenu et qui pourtant déborde, tantôt pleure et pourtant roucoule. L’inconscient métabolise l’anecdotique. Des fulgurances invitent au recueillement. Des prières jouissent. Parallèlement à l’écriture de recueil, elle développe un dialogue entre les mots et les images. Un horizon qui glitche, Pourquoi je veux tout brûler, De celle qui dorment avec leur livre, Poème pour disparaitre – voici quelques-uns des titres de ses vidéo-poèmes. Renfermant la notice d’une vie à fleur de peau, ses « objets-poétiques-non-identifiés » exhument les brisures et les éclats afin, non pas de glitcher / brûler / disparaitre, mais bien de poétiser, toujours, avec la force de l’évidence.
Al Baylac, auteur.ice
Charles Pennequin
© Christophe Cellier
Rencontre 1 avec Charles Pennequin (2009) :
POP ! Surgi au sort d'une suggestion de l'algorithme Youtube. Un spam-spasme. Direct dans le grand bain de l'extrême contemporain (la poésie, c'était loin) : ça existe, et je le savais même pas ! D'abord, la voix - d'accord. Derrière, la peine. On n'en dit presque rien. Le mégaphone et le rire, la perf : oui. Mais personne ne parle jamais de la peine-Pennequin. Sa grosse peine-poigne, c'est pourtant là que ça fait pas rien. Ça tient à pas moins - à moins qu'on préfère s'en tenir loin.
Rencontre 2 avec Charles Pennequin (15/04/2025) :
Toulouse, hommage à Jean-Pierre Verheggen. Encore un qui porte une peine dont on ne dit plus rien. C'est pas spectaculaire, la peine, ça nous dit rien, Verheggen ! Fais nous rire, plutôt, la bedaine ! Charles mélange ses textes et ceux du prix Nobelge. La machine poétique marche à plein : ça impressionne d'autant qu'on finit par ne plus savoir à qui quel texte appartient. Extraits du degré Zorro de l'écriture ("Mes camarades disent : mais au fait ? Qui te l'a dit, toi, que tu étais un écrivain ?") puis Pennequin ("c'est à qui d'parler là ? C'est à qui de prendre la parole ?") Ça coule du son de source, idem le sens. L'assemblée le sent bien. Quelqu'un dit : "lui, il pourrait même nous lire le bottin". On rit. Au risque de passer à côté de son effort acharné de pensée, m'enfin...
Rencontre 3 avec Charles Pennequin (le lendemain) :
Quatre heures dans mon auto - 0 arrêt pipi - 1 arrêt resto (camembert rôti / pâté / pain / pas d'eau). Pause devant les Orgues d'Ille-sur-Têt : c'est beau - CLIC ! - photo. Potins, cancans : gotha de la poésie et ses égos. Le soir, chez André Robèr (lectures devant beau parterre, ambiance du tonnerre) : rhum arrangé pour faire passer la bière. Haro, les peines, jusqu'au dodo (sauf tempes : bobo).
Lambert Castellani, auteur
Marion Touboul
© Vanessa Madec
Une autrice inconnue, un sujet surprenant, un pas vers le lointain, il n’en fallait pas plus pour intriguer la lectrice à l’âme vagabonde que j’étais.
Une autrice maintenant connue (de moi), un roman cosmopolite, une curiosité à satisfaire, ce fût suffisant pour la libraire que je suis devenue pour confirmer ce que j’avais pressenti dans Amours, voyage dans l’intimité des égyptiens : Marion Touboul est de ces écrivaines dont on devine le bouillonnement intérieur et la personnalité atypique. Second cœur en est l’écho.
Le bonheur d’une surprise au coin de la ligne, l’étonnement d’une formulation, les lieux intérieurs instables sur lesquels elle pose sa plume, la simplicité et la profondeur des évocations, le décryptage d’un monde chamboulé, les descriptions précises enveloppées d’imaginaire et tant d’autres qualités qu’il est bon de retrouver dans un texte me poussent à faire découvrir Marion. Il est des auteurs que l’on voudrait tant voir émerger de la foule ! Et, lorsque nous nous sommes rencontrées à la librairie j’ai pris toute la dimension de son envergure : cette petite brune pétillante dégage une force et une sensibilité, une curiosité et un appétit de terrain, une décontraction sur le vif qui donne envie de dire « vas-y Marion, on est tous derrière toi ». Alors, savoir qu’elle est choisie pour une bourse de création littéraire en Occitanie est une vraie reconnaissance envers celle qui se laisse caresser par la nature tout autant qu’elle est bousculée par l’histoire qui se joue aujourd’hui.
Karine Depeyre, libraire à la librairie Le Kairn.
Natyot
© DR
L’écriture de Natyot
c’est une marche sur les points de fuite du vivant ça pétille
c’est une balade au léger goût d’insolence une fraîche insouciance
L’écriture de Natyot
chamboule nos habitudes
et défonce nos préjugés
Elle claque l’intérieur de nos intimes
Elle pique la langue des réalités sociales avec le sourire qui aspire
et l’élan qui inspire
Sa poésie chaleureuse
et radicalement bienveillante répare
ouvre l’entre-lignes des partitions
ça sonne et ça invite à danser
ça se vit se savoure se rit au quotidien
dans le rythme
de la tendresse d’être simplement là
Maintenant la poésie c’est sexy
Poésie, théâtre, romans, musique, performances, Natyot explore toutes les formes d’expression pour sa langue, telle la sorcière guérillère qu’on voudrait être quand on sera grande.
Van Gillodes, bibliothécaire ambulante
FAQ
Vous venez de terminer d’écrire un récit et vous estimez que c’est un manuscrit à transmettre. Vous souhaiteriez que votre texte soit lu mais vous êtes-vous posé la question de l’intérêt de ce texte ?
Certains d’entre vous écrivent en effet pour surmonter un traumatisme, se délivrer d’une expérience difficile, que l’écriture permet de mettre à distance. Ce texte n’est peut-être destiné qu’à vous-même ou des pairs de confiance ; dans ce cas l’écriture a une visée cathartique qui ne concerne que l’auteur et son cercle complice. Le texte produit à cette occasion n’a peut-être pas une visée publique… Posez-vous donc la question des conséquences que pourrait avoir une publication voire une médiatisation de votre expérience.
Second cas, vous entretenez une relation intime avec votre texte mais celui-ci nécessite peut-être un travail de reprise, relecture, réécriture : êtes-vous prêt à accepter ces regards extérieurs ? Nous vous conseillons pour cela de faire lire votre manuscrit au-delà de votre entourage à des professionnels du livre (bibliothécaires, libraires, organisateurs de manifestations littéraires, grands lecteurs…). Tout avis est bon à prendre car une fois publié votre ouvrage ne manquera pas de susciter des retours divers et variés… Suite à ces avis, n’hésitez pas à relire, réécrire et reprendre vos textes…
Une fois que vous estimez votre texte abouti, vous êtes prêt à entreprendre votre recherche d’éditeur.
Utilisez l’annuaire des éditeurs d’Occitanie Livre & Lecture en ciblant avec attention le/s domaine/s éditoriaux qui correspondent à votre projet + lien. Avant tout contact nous vous recommandons de consulter le catalogue de la maison d’édition pour éviter tout envoi inutile et des déceptions. Il se peut qu’aucun éditeur en région ne corresponde à votre recherche, dans ce cas nous vous encourageons à rechercher directement en librairie le type d’éditeur dont vous rêvez. Votre librairie pourra d’ailleurs être le complice de vos recherches. Ces visites en librairie pourront vous permettre de vous rendre compte de la qualité des ouvrages et de vous assurer de la bonne diffusion du catalogue ciblé.
Les éditeurs reçoivent énormément de manuscrits, attendez-vous à un temps de réponse étendu… Soyez patients !
Lorsqu’un éditeur vous recontacte, soyez vigilant sur les termes du contrat d’édition. Nous vous incitons à consulter notre page sur les points-clé du contrat d’édition et nos ressources et outils.