De la nécessité d’être précis dans la rédaction des clauses de cession de droits
Le droit d’auteur est considéré comme un « droit retenu », permettant de réserver à l’auteur d’une œuvre tous les droits d’exploitation qu’il ne prévoit pas, de manière expresse, de céder : "Tout ce qui n'est pas expressément concédé est automatiquement retenu" .
Cette règle d’interprétation stricte des contrats de cession de droit d'auteur s’infère en particulier de l’article L.131-3 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, lequel prévoit sous peine de nullité que :
« La transmission des droits de l'auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et que le domaine d'exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée. »*
Autrement dit, pour que la cession de droits d’auteur qu’il encadre soit efficace, le contrat doit expressément mentionner chaque droit cédé (notamment le droit de reproduction de l’œuvre, le droit de représentation, le droit d’adaptation, le droit de traduction, etc.). Doivent également être précisés :
- L’étendue de la cession de droits, qui correspond, généralement, aux modes d’exploitation de l’œuvre et implique d’identifier les supports de reproduction et les moyens de diffusion ;
- La destination, c’est-à-dire la finalité de l’exploitation ;
- Le lieu d’exploitation ;
- Et la durée de la cession de droits d’auteur.
L’article L122-7 du même code confirme lui aussi le principe d’interprétation stricte des cessions de droits d’auteur, puisqu’il prévoit que la cession du droit de représentation de l’œuvre n'emporte pas celle du droit de reproduction et inversement. L’article précise enfin que, lorsqu’un contrat comporte cession totale de l'un de ces deux droits, la portée en est strictement limitée aux modes d'exploitation prévus.
Il existe donc de nombreuses décisions en jurisprudence où des clauses de cession de droits d’auteur trop générales ont été privées d’efficacité (Cass. 1re civ., 9 oct. 1991, n° 90-12.476 ; Cass. 1re civ., 12 juill. 2006, n° 05-15.472).
Récemment, il a été jugé que « la cession consentie par [l’auteur] de ses droits à titre gracieux, sans précision sur la nature exacte des droits cédés d’une part, ni sur la destination exacte de l’utilisation cédée, (…) et sans limitation dans le temps de la cession d’autre part, (…), rend nulle le protocole d’accord conclu (…) pour non-respect des dispositions du texte susvisé qui tend, par les mentions strictes qu’il impose, à la protection du droit des auteurs » (CA, Versailles, 1re chambre, 1re section, 22 Février 2019 – n° 17/04881).
Le principe d’interprétation stricte des clauses de cessions de droits d’auteur connaît cependant des exceptions.
Il trouve par exemple sa limite lorsque le cessionnaire des droits se trouve être une personne morale, et non une personne physique. C’est le cas également en présence d’œuvres publicitaire commandées. Parfois la jurisprudence reconnaît même des cessions tacites de droit d’auteur (par exemple « La facturation des illustrations livrées emporte nécessairement cession du droit de reproduction et vaut manifestation expresse de la volonté du cessionnaire », CA Paris, pôle 5, 1re ch., 17 oct. 2012, n° 10/20895).
Pour éviter l’écueil d’une clause de cession inefficace, on veillera cependant à respecter toujours scrupuleusement les mentions prévues par l’article L.131-3 du code de la propriété intellectuelle. Ce formalisme permettra non seulement de préserver les intérêts de l’auteur, mais aussi ceux de l’exploitant, puisque celui-ci saura exactement les limites de la cession, et donc les droits « retenus » par l’auteur.
*V P.-Y. Gautier, Propriété littéraire et artistique : PUF, 4e éd. 2001, n° 294