LES AUTEURS LAURÉATS D'UNE BOURSE DE CRÉATION EN 2024

En 2024, 8 autrices et auteurs d'Occitanie ont reçu une bourse de création littéraire pour les soutenir dans leur projet de création en cours. Découvrez-les...

Publié le 08/07/2024

Ouvertes à tous les auteurs vivant en Occitanie et sous certaines conditions de publication, ces bourses révèlent de nouveaux talents et distinguent parfois des écrivains bien avant qu’ils n’acquièrent une reconnaissance publique. Elles consolident également des parcours de créateurs déjà reconnus afin de les accompagner dans l’avancement de leur œuvre et favorisent la traduction d’œuvres étrangères en français. Ces bourses sont destinées à soutenir des projets déjà structurés et en cours d’écriture.

 

Lauréats 2024

Tatiana Arfel

© D.R. 

Un jour, ma boîte mail a fait surgir un mail de Tatiana Arfel. La beauté de ce nom, on ne l’oublie pas – encore moins quand on est fervente lectrice du Matricule des Anges, où ont figuré tôt ou tard tous les noms des écrivains qui ont compté pour moi. Un mail laconique, bref sans être expéditif, qui disait en très peu de mots la quintessence de nos toutes jeunes éditions Fugue (« Je m'adresse à vous pour la musique et l'oralité ») et la souplesse de l’autrice (« Je suis ouverte à toute critique et retravail »).

Ce que le mail ne disait pas, c’est le coup au cœur que nous ferait la lecture de La Ronde des poupées et la rencontre avec son extraordinaire dame pipi, Émilienne ; c’est aussi l’immense drôlerie et l’irrésistible spontanéité de Tatiana. Non que celle-ci ne considère son travail d’écriture avec la gravité requise. Mais elle semble aborder l’existence et ses surprises avec ce qui fait, à mon avis, les plus grandes qualités de l’écrivain : la curiosité sans l’esprit de sérieux, l’écoute généreuse, la prise en considération sans lourdeur des aléas de la vie comme de la décisive comédie de la publication.
Toutes raisons pour lesquelles la rencontre de Tatiana est un cadeau ; et la lecture de ses livres, charnels et musicaux, un bouleversement.

Sophie Bogaert, éditrice aux éditions Fugue
 

 

Charles Aubert

© D.R. 

Quand j’ai rencontré Charles Aubert en 2021, je n’avais lu que ses deux premiers romans, mais je pressentais déjà que le courant passerait entre nous. Au fil de notre discussion, j’ai vite compris que je n’avais pas affaire à un simple auteur de polar. Charles est avant tout quelqu’un d’une bienveillance rare, qui porte sur le monde qui l’entoure un regard empreint d’une grande humanité.

Ses écrits vont du roman policier, à la biographie d’un jeune boxeur au destin hors du commun, en passant par le récit initiatique d’un homme à la recherche de son père. L’œuvre de Charles est à son image : diverse et plurielle. La nature y tient une place importante. Tout comme la littérature. En amoureux des mots, Charles nous invite à faire un pas de côté pour prendre le temps d’observer, de méditer. Et pour avoir eu la chance de participer à des salons littéraires à ses côtés, quand des lecteurs viennent échanger avec lui, il est souvent question de poésie, d’humour et du plaisir qu’ils ont eu à le lire. Comme je les comprends.

Nicolas Nutten, Auteur Gagnant du Prix du Suspense psychologique 2020

 

Laurent Bonneau

© Laurent Bonneau 

Informations à venir.

 

Anne Bourrel

© Paul-Eli Rawnsley 

On s’est connu sur une piste de danse. Et c’est un bon début pour se rencontrer. Voir qu’on est d’accord sur ce qu’on montre de nous. Il y avait une évidence à être amies. Nous nous sommes lues bien sûr et continuons de nous donner des conseils, nous partageons nos vies d’autrice et ses aléas.

Anne est multipiste, pluri-genre parce qu’il faut toujours chercher, puiser dans les formes afin de diversifier l’expérience d’écrire pour approfondir sa propre langue. Poésie, théâtre, roman. Anne traduit aussi parce que le son dans l’oreille lui semble extrêmement important, parce qu’elle aime ce qui lui est étranger, ce qui sonne autrement. Anne est une curieuse. Son parcours est donc fait d’une multitude d’écrits dans lesquels se dessine une singularité fabriquée du dedans et du dehors d’elle-même, consolidée par l’apprentissage de l’autre, emprunt d’humour et de sensualité comme au premier jour sur la piste de danse.

Natyot, Romancière, poète et chanteuse

 

Maylis Adhémar

© Astrid di Crollalanza 

Partager la vie d'une écrivaine, c'est constater qu'on peut étendre une machine tout en arpentant les steppes mongoles, concocter des lasagnes en pistant l'ours au fin fond d'une vallée pyrénéenne, passer la serpillière en échafaudant des plans révolutionnaires planquée dans les ruines d'un château. Là mais jamais tout à fait là. La tête toujours remplie d'histoires.

Si je devais définir le travail de Maylis, je dirais qu'elle est l'écrivaine de l'enfance. Pas des enfants. Je parle de cet état, qui ne s'arrête en réalité jamais si on en prend soin, qui fait qu'on ne comprend pas pourquoi on devrait se plier aux normes. De cette pulsion organique qui pousse à ne jamais accepter la réalité de la vie telle qu'elle est. Et qui fait qu'on s'étonne de tout, qu'on questionne tout. En bon anarchiste sur patte. Au fond, ce qui fait qu'un livre de Maylis nous touche autant, c'est qu'elle n'a jamais perdu de vue cette flamme qui, toute petite, lui faisait inventer une langue pour échapper au contrôle des adultes, cette race d'humains si étranges. Et déjà, écrire tout un tas d'histoires qu'elle a toujours gardé en tête. Matière première idéale dans laquelle elle puise à l'envie pour modeler son monde et ses romans nourris aujourd'hui par un intense travail d'historienne et de journaliste, sans cesse à la rencontre des autres.

Un livre de Maylis Adhémar se lit comme les enfants perdus s'empiffrent des mets les plus succulents dans leur pays imaginaire. Avec joie et passion. Sauf que ses mots, on est sûr qu'ils existent bien.

Nicolas Mathé, journaliste
 

 

Simon Hutt T

© Simon Hutt T 

Simon est probablement le gars le plus cool du monde. Cet enfant des années 90 évolue sans prise de tête entre le jeu vidéo, l’illustration et la BD, tel un mandalorien qui suit sa propre voie (l’armure bezkar en moins). La tête pleine de couleurs flashy héritées des jouets qu’il collectionne (le mauve fluo étant un pantone qui devrait porter son nom), il perfectionne jour après jour son style unique, un concentré explosif de pop culture, de dynamisme et de chromies, véritable bain de jouvence pour quiconque pose ses yeux sur ses créations.
Vissé à sa tablette graphique, une manette Xbox dans la main et un stylet Wacom dans l’autre, il explore les confins de la créativité avec une passion inaltérable, relève tous les défis créatifs, passant avec aisance du Western à la SF, toujours prêt à partager sa passion lors de ses livestreams, où il dessine en direct tout en discutant avec ses abonnés. Simon ne fait pas partie de la tribu des nostalgiques, de ceux qui disent « que c’était mieux avant ».Il est des rares qui transforment leurs souvenirs d’enfance et inspirations d’ado en créations singulières et personnelles, résolument tournées vers l’avenir.
En définitive, Simon incarne parfaitement l’esprit 619: talentueux, passionné, attentif aux détails et avide d'explorer de nouveaux horizon. Et un super pote, en plus !
Son seul défaut : sa collection de cartes Lorcana. Mais on lui pardonne.


RUN (scénariste BD)
 

 

Simon Lamouret

© Bertrand Gaudillère 

Pour les Oulipiens, pas de doute : la contrainte formelle s’avère formidablement libératrice et fertile pour la création. De la même manière, Simon s’empare et s’amuse des contraintes de la bande dessinée. D’un album à l’autre, il ne cesse de jouer avec les cadres pour semer des indices sur ce qui se trouve hors-champ, que ce soit pour donner à voir des scènes de rue à Bangalore, pour raconter le microcosme gravitant autour d’un immeuble en construction, ou encore pour imaginer comment un absent, à travers les objets qu’il a possédés, déteint sur les personnes qui explorent sa maison.

Toute la force de l’œuvre de Simon, c’est de dire sans affirmer, suggérer sans expliciter. Le morcellement des pages en vignettes permet l’ellipse, et donc une extraordinaire richesse d’interprétations. L’expérience de lecture devient ainsi plurielle. D’ailleurs, c’est peut-être cette multiplicité des regards et des points de vue qui sous-tend le travail de Simon : comment une seule et même réalité est-elle perçue et vécue par diverses personnes, à divers moments ? Comment, ensuite, restituer ces perceptions et vécus protéiformes ?

Le choix des techniques reflète à merveille cette quête fondamentale, quasi philosophique. Crayon, feutre, marqueur, gouache, aquarelle : comme un comédien changerait de voix pour interpréter différents personnages, Simon jongle avec brio d’une technique à l’autre. Voilà qui est révélateur de sa jubilation d’artiste heureux d’explorer sans fin le champ de la création !
 

Magali Brieussel, librairie La Géosphère (Montpellier)
 

 

Isabelle Wlodarczyk

J’ai rencontré Isabelle en finalisant un projet scolaire que nous avions en commun. Ensemble, nous nous sommes lancés dans un beau projet, l'histoire la première petite fille noire à rentrer dans une école de Blancs au temps de la Ségrégation. Isabelle a écrit un texte magnifique dont les enfants se sont inspirés pour créer des paroles sur mes musiques. C'est enfin la guerre d’Espagne qui nous à rapprochés. Elle travaillait sur Guernica et m'a demandé de lui partager mon histoire familiale. Elle a entendu la voix de ma mère et a décidé d’en faire un roman. Et c'est là que j'ai découvert le talent d'Isabelle lorsqu'elle aborde un sujet. Plus de trois ans d’enquête à sillonner ensemble les routes de France pour recomposer le puzzle de l'exode de ma famille. Le magnifique livre Les jours de poudre jaune est né de ce travail.

L'écriture d'Isabelle m'a séduit par les sujets qui l'animent mais aussi par la subtilité avec laquelle elle les traite. Elle nous porte à réfléchir, nous guide, nous interpelle, Isabelle s'empare des sujets qui la bouleversent, la questionnent et nous les rend accessibles par sa poésie. Que ce soit pour un album jeunesse comme Coeur de Hibou qui aborde l'adoption et la différence ou Un sapin où en quelques mots on ressent le climat- il m'est même arrivé d'avoir un peu froid en le lisant.  L'écriture d'Isabelle me touche profondément. Nous avons réuni en 2018 nos passions pour les mettre au service de cette jeune maison d'édition qu'est Babouche à oreille. 

 

Pierre Diaz, musicien, compositeur, arrangeur et pédagogue