Droit d'auteur et respect de la vie privée
Tout un chacun n’ignore pas que la liberté de création des artistes n’est pas sans limites.
Le respect des droits de la personnalité est l’une d’entre elles.
Qu’entend-on par « droits de la personnalité » ?
Il s’agit des droits inhérents à la personne humaine, qui viennent protéger l’ensemble de ses attributs tels que son image, sa vie privée, sa dignité, son honneur, sans que cette liste ne soit limitative.
Parmi les droits de la personnalité les plus susceptibles de s’opposer à la liberté de création, figure le droit à la vie privée. Il est consacré à l’article 9 du code civil :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée ».
Quelles œuvres peuvent porter atteinte au droit au respect à la vie privée ?
Les œuvres concernées par le conflit qui oppose la liberté de création au respect de la vie privée sont nombreuses : il peut s’agir notamment d’articles de presse, d’œuvres historiques, d’œuvres de fiction, de caricatures, de biographies, de photographies, mais pas seulement.
Pour caractériser l’atteinte, le juge s’attachera à vérifier que la personne qui s’estime victime d’une atteinte à sa vie privée est bien identifiable. Par exemple, dans un roman, cette identification peut procéder de « similitudes qui, par leur nombre, leur singularité, leur concordance, constituent un faisceau d'indices » qui rend la personne « parfaitement identifiable dans l'espace et dans le temps », et ce même si son patronyme n’apparaît pas.
Le juge s’attachera ensuite à relever la divulgation de faits relevant de la sphère privée de la personne, ou même simplement la révélation de faits imaginaires si le public peut les tenir pour vrais. L’exception de « fiction » n’est en effet pas admise devant nos tribunaux français.
S’agissant des œuvres photographiques, il est intéressant de souligner que la jurisprudence a déjà pu revaloriser ici la liberté créatrice en s’appuyant sur le caractère artistique et sociologique des clichés, et ce pour considérer que le photographe pouvait parfois s’affranchir de l’autorisation de la personne visée.
La liberté créatrice peut donc bel et bien justifier, dans certaines circonstances, quelques entorses aux droits de la personnalité. Il convient néanmoins de se montrer prudent.
Quelles sanctions en cas d’atteinte à la vie privée ?
Les sanctions de l’atteinte à la vie privée doivent être strictes et rapides.
Outre la réparation de l’atteinte à la vie privée par l’attribution de dommages-et-intérêts à la victime, le juge peut ainsi « prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée », et ce en référé, en cas d’urgence.
Ces mesures peuvent consister en l’interdiction de la commercialisation de l'œuvre, ou en la suppression des passages litigieux. S’agissant des mesures préventives, qui interviendraient donc avant même la diffusion de l’œuvre, les juges sont plutôt réticents à les prononcer, et en font un usage assez raisonnable.
En principe, le préjudice découle de la seule atteinte à un droit de la personnalité. Toutefois, la jurisprudence tend à apprécier de plus en plus la gravité du préjudice subi pour prononcer ses sanctions.
Finalement, si les droits d’auteur peuvent se confronter aux droits de la personnalité, et en particulier au droit au respect à la vie privée, ils peuvent également se concilier : ce sera évidemment le cas lorsque l’auteur et la personne concernée par l’œuvre collaborent.