Le contrat de commande emporte-t-il cession implicite des droits d’auteur?
En matière de droit de la propriété littéraire et artistique la protection des prérogatives de l’auteur est primordiale. Pourtant, il est dans l’esprit de tout un chacun que les droits d’auteur attachés à l’oeuvre sont automatiquement cédés lorsqu’un contrat de commande est conclu entre un auteur et un client. En réalité la cession doit être expressément prévue, du moins dans certains cas.
La loi prévoit que l’existence ou la conclusion d’un contrat de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit de propriété incorporelle dont dispose l’auteur (article L111-1 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle). Cela signifie en principe que la cession des droits d’auteur n’intervient pas du seul fait qu’un contrat de commande ait été conclu. L’article L131-3 du code de la propriété intellectuelle confirme cette règle, puisqu’il subordonne la cession des droits d’auteur à des mentions expresses dans l’acte de cession. On relèvera d’ailleurs que depuis la loi du 7 juillet 2016, il ne fait plus aucun doute que cette exigence s’applique à tous les contrats de cession, et non aux seuls contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle que visait antérieurement l’article L131-2 CPI. En effet, désormais ce dernier article ne fait plus de distinction entre les différents contrats d’exploitation de droits d’auteur. Aussi, compte tenu des dispositions des articles précités, l’exigence d’une cession écrite est clairement établie.
Toutefois, on signalera qu’en dépit de ces textes de portée générale, le CPI prévoit également des présomptions de cession de droits d’auteur dans certains contrats spécifiques. Il en va ainsi du contrat de commande d’une œuvre pour la publicité, et des contrats de production audiovisuelle.
Surtout, en dépit du principe selon lequel l’existence d’un contrat de commande ne doit pas déroger à l’exigence d’une cession expresse des droits d’auteur, l’on doit néanmoins constater que la jurisprudence est plus nuancée. Des juridictions ont ainsi pu retenir que dans certaines circonstances, la cession des droits d’auteur pouvait être implicite dans les contrats de commande. Les juges ont ainsi pu rechercher si, dans la commune intention des parties, l’œuvre était manifestement destinée à être reproduite, ce qui pouvait se déduire de la nature même de la commande. Dès lors les juges ont pu retenir une cession implicite (Cass. 1re civ. 27 oct. 1993, et Ccass, 1ère civ, 27 mai 1986).
Par exemple, dans un arrêt du 2 juillet 2014, la Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir retenu que des contrats de commande avaient été conclus entre une illustratrice et une maison d’édition, lesquels auraient eu pour effet accessoire de céder le droit d'exploiter les oeuvres sans cession expresse, et sans respecter les prescriptions de l’article L131-3 du CPI (Cour de cassation, Chambre civile 1, 2 juillet 2014, n° 13-24.359).
Toutefois nous croyons que l’élargissement au sein de l’article L131-2 du CPI de l’exigence d’un écrit à tous les contrats emportant transmission de droits d’auteur devrait freiner ces solutions jurisprudentielles qui contreviennent au principe de cession expresse des droits d’auteur. En effet, de jurisprudence constante, les mentions impératives de l’article L131-3 du CPI sanctionnées sous peine de nullité s’appliquent aux contrats visés par l’article L131-2 : elles devraient donc concerner désormais tous les contrats de commande d’œuvre de l’esprit, sans exception.
Néanmoins la prudence reste de mise, de sorte qu’il convient toujours de prévoir un contrat de cession ou une clause emportant la cession de vos droits d’auteur dans vos contrats de commande, afin de s’accorder sur les droits cédés et la rémunération due pour cette cession. On rappelle que la cession devra respecter les mentions prévues à l’article L131-3 du CPI, et que seuls les droits patrimoniaux liés à l’oeuvre pourront être cédés : en tant qu’auteur de l’œuvre, vous conserverez en effet toujours les droits moraux, lesquels restent donc attachés à votre personne, et sont perpétuels.