Les politiques d'éducation en Amérique centrale : manuels scolaires et paradoxes du multiculturalisme officiel : 1980-2000
Ce numéro des Cahiers du CRILAUP ne se propose pas d'écrire ou de réécrire une autre histoire de l'éducation en Amérique centrale, en général, et au Costa Rica en particulier. Une entreprise que l'on peut suivre ou découvrir en ayant recours aux ouvrages reconnus en la matière dont on trouvera, par ailleurs, quelques références dans cette livraison. L'objectif ici est avant tout d'insister sur les enjeux de l'éducation formelle dans ces régions du monde à un moment que tous les spécialistes s'accordent à reconnaitre comme fondateur, à savoir le «moment multiculturel» des décennies 1980-2000. Il fut marqué, là comme dans le reste des Amériques/Caraïbes, par des débats publics autour des fondements culturels et imaginaires des nations telles qu'elles furent imaginées au XIXe siècle et telles qu'elles continuaient d'être narrées, données à voir/lire dans/par les «récits pédagogiques nationaux». De ce point de vue, c'est tout naturellement, pour ainsi dire, que l'éducation s'est retrouvée au coeur des débats dont il est question. Nous avons donc en priorité voulu éprouver ce «moment multiculturel» en examinant comment certains programmes d'éducation interculturelle mais aussi les manuels scolaires centraméricains en usage dans les écoles publiques le traduisait. Car au fond ces débats portaient sur des questions brûlantes, sans cesse différées, des représentations imaginaires de l'hétérogénéité historiquement constitutive de l'Amérique centrale mais aussi sur celles de la représentativité des sujets qui prétendent parler en représentation du «soi» national. Elles concernaient aussi bien évidemment l'esprit d'équité et de justice sociale/raciale qui devrait fonder le «vivre ensemble», bien loin des discours et des pratiques autoritaires, absolutistes et discriminatoires.
Ce numéro s'insère donc dans la «tradition» de la pensée démocratique qui interroge et valorise une éducation pour tous tenant compte des appartenances plurielles aux nations imaginées. Il s'éloigne de ce fait de cet «ethnocentrisme en surplomb», aux multiples visages, qui pendant très longtemps s'est érigé en indispensable point de suture d'une hétérogénéité supposément diabolique et par là même contraire à toute idée de Progrès et de Civilisation.