Mirèio. Mireille
Cante uno chato de Prouvènço.
Dins lis amour de sa jouvènço.
A través de la Crau, vers la mar, dins li bla
Umble escoulan dóu grand Oumèro,
Iéu la volé segui. Coume èro
Rèn qu'uno chato de la terro.
En foro de la Crau se n'es gaire parla.
Je chante une jeune fille de Provence. Dans les amours de sa jeunesse, à travers la Crau, vers la mer, dans les blés, humble écolier du grand Homère, je veux la suivre. Comme c'était seulement une fille de la glèbe, en dehors de la Crau il s'en est peu parlé.
(Chant I)
Avec Mirèio, Frédéric Mistral donne en 1859 à la Provence, dans sa langue, celle qui sera à jamais son héroïne, une jeune fille belle, vive, travailleuse, généreuse, passionnée - et frappée par le malheur, dans la droite ligne des grandes destinées romantiques.
« Entre mer, Rhône et Durance », des Alpilles à la Camargue, dans un pays d'Arles qui vit au rythme des labeurs saisonniers (« un pays est devenu un livre », écrira Lamartine), le drame naît de l'affrontement entre des mentalités sociales rigides, où les hiérarchies de fortune pèsent de tout leur poids, et la revendication d'une liberté absolue quand il s'agit des amours et des choix de vie.
Déployant une dramaturgie serrée, jouant sur des espaces fondamentaux (le mas que l'on doit fuir, le fleuve que l'on traverse, la mer au bord de laquelle on meurt), impliquant la religion (avec ses croyances populaires comme ses lieux de miracles), alliant roman et épopée, composé dans une strophe originale, ce poème a l'ambition d'un texte fondateur : il inaugure avec éclat, tout à la fois, la Renaissance provençale contemporaine et la série des chefs- d'oeuvre mistraliens dont l'ensemble sera couronné du prix Nobel, en 1904.
Mirèio est ici rééditée dans la version intégrale et définitive, provençale et française, voulue par son auteur, accompagnée d'un dossier documentaire permettant d'en mieux saisir les nuances et la portée.