Théâtre. Volume 2
Lemahieu est décidément impossible à fixer, à figer. On l'attend grave, il écrit comique. On l'attend bouffon, il écrit désespéré. Expérimentateur de formes, toujours, moins pour les décliner dans le bon ordre des essayages que pour échapper à tout risque de carcan. Ses monstres résistent à l'analyse savante, ils tombent de la table de l'entomologiste; ils rigolent sous le microscope et vomissent dans les marges du cahier de régie. Allogènes, décidément, au paysage théâtral, même quand leur maître les rattache à un genre qu'on croit reconnaître, avant que l'orthographe ne vous explose au visage comme les facétieuses langues de belles-mères du carnaval. Ses Veaux-de-ville battent la campagne, son Lehrstück est une farce, son Tiers exclu n'annonce pas de point de vue politique.
Depuis Viols, où des voix énigmatiques s'essayaient à une partition économe, rare, comme si les voix y étaient étranglées par une douleur venue d'ailleurs, les autres s'abandonnent à tous les risques de la parole.
Jean-Pierre Ryngaert