Les auteurs lauréats d'une bourse de création en 2022

14 autrices et auteurs d'Occitanie ont reçu en 2022 une bourse de création littéraire pour les soutenir dans leur projet de création en cours. Découvrez-les...

Franck Audé - Fräneck

© Franck Alix

Les bûches, les briques, les visages, les maisons, les corps humains… Fräneck s'empare des signes qui l'entourent et s'en sert comme matériaux de base, avec lesquels il compose des univers graphiques étonnants. Comme un jeu de construction farfelu où tout serait à inventer dans toutes les dimensions. Les lignes limpides et les couleurs vives peuvent paraître inoffensives au premier abord, mais les immeubles ne sont jamais loin de s'écrouler, les yeux n'ont pas besoin d'orbites, les corps se déboitent parfois frénétiquement. Ses images, travaillées en séries, portent une narration subtile qui se déploie petit à petit. Elles laissent souvent affleurer un trouble, une inquiétude.

Ses assemblages hallucinés se jouent des supports, envahissant des livres, mais aussi des affiches, des peintures murales, des volumes minuscules ou gigantesques. Deux livres déjà parus chez ION, Les Maisons (2012) et Casanier (2017), exploraient l'image de la petite maison archétypale, tour à tour comme construction-destruction permanente, puis comme seul élément stable au milieu d'un univers soumis à des cataclysmes multiples. Son nouveau projet viendra enrichir cette série, en circulant cette fois à l'intérieur d'un bâtiment. De pièce en pièce, on découvrira des indices détachés, fragments de corps, mobilier tordu, sans que l'étrange événement qui s'y est déroulé ne soit jamais clairement révélé. Un nouveau mystère graphique à ajouter au monde de Fräneck.

Benoit Preteseille, éditeur

Magali Bardos

© Anne Sol

C’est un grand plaisir de voir arriver les dessins originaux de Magali Bardos. Son trait et ses couleurs sont d’une grande franchise. Pas d’hésitation et de faux-semblants mais de l’humour et du talent !

Ses premiers livres parus chez Pastel étaient écrits par Gwendoline Raisson. Elles s’étaient bien trouvées pour mettre en scène Ma mère, un peu déjantée et tellement drôle ! Quelques albums plus tard, Magali a écrit sa première histoire Garry ry ry, pour explorer une galerie d’animaux inventifs et le plaisir de lire à voix haute. Car Magali aime beaucoup raconter des histoires où le lecteur est actif, où il est question de double regard et de découverte des autres. Les expressions des personnages, les détails qu’elle glisse et son imagination finissent toujours par faire rire.

Après des études d’Histoire, elle se tourne vers la symbolique des images puis vers la scénographie qu’elle étudie à Bruxelles. Et lorsqu’elle revient en Belgique chez Pastel, les personnages de ses albums semblent vivre dans des petits théâtres. Ses recherches graphiques sont toujours un moment très intéressant dans lequel elle semble se réjouir et qu’elle partage avec moi avec fantaisie et confiance. Les histoires se dénouent et l’enfance ressurgit. Comme dans ce projet enrichissant du carnet de l’ours, librement inspiré d’une expérience vécue sur l’observation de l’ours des Pyrénées avec ses propres enfants !

Odile Josselin, éditrice

 

Frédéric Cartier-Lange

© Sarah Cartier-Lange

Fred, pour les intimes, je l'ai connu en Licence d'Arts Plastiques à la fin des années 90 à l'Université de Nîmes où nous étions une bande de copains timides, passionnés de musique et d'art. Ce qui frappe dans ses peintures d'étudiant, c'est la volonté d'utiliser tous les matériaux imaginables. On retrouve ces assemblages de fragments de papiers, de photographies et d'éléments textuels, mêlés au dessin, dans les planches de ses premières bandes dessinées.

Très vite, il écrit et illustre ses histoires, liées à sa mythologie personnelle. Il faut qu'il y ait des fleurs, des rivières, des oiseaux, des arbres. Avec espièglerie, il met en scène ses craintes et projette ses souvenirs d’enfance au cœur d'une nature essentielle, comme dans Terminus, un petit termite très déterminé. Un esprit en alerte et une curiosité sans limite le propulsent régulièrement dans l'exploration de territoires expérimentaux, loin de l'illustration jeunesse.

Ce nouveau projet, "Lumière noire", vient nourrir la narration d'une série de deux livres déjà parus, Souvenances (2014) et La chaise - La silla (2015), sur le thème de la disparition brutale de son père alors qu'il était enfant. Après le récit du souvenir, puis celui de l’absence, Fred rencontre le lieu même de l’accident dans un bouleversant voyage contre l’oubli. En véritable plasticien, questionnant différentes techniques et formats d’expression, il habite un manque et nous donne à voir l’invisible.

Céline Pibre, illustratrice

Michel Eckhard Elial

© Occitanie Livre & Lecture

Professeur de littérature comparée et de sémiotique textuelle, Michel Eckhard Elial est poète et traducteur de la littérature hébraïque moderne.

Passeur de langues (hébreu, français), Michel Eckhard Elial compare souvent le travail du traducteur au périple d’Ulysse autour de la Méditerranée pour regagner Ithaque, le lieu natal. Rapprocher les rives entre elles est une opération périlleuse et exigeante, soumise à l’errance des signes, et au désir de l’habitation. La poésie a, pour lui, une mission particulière, celle de porter la lumière, qui invite au partage de l’essentiel. Le choix de l’hébreu est celui d’un parcours de vie (entre France et Israël) et celui d’un projet de dialogue de paix à retrouver entre les rives de la Méditerranée grâce à la création poétique. Telle est l’utopie qui anime aussi bien ses activités éditoriales depuis 1988 (Levant) que ses traductions de l’hébreu vers le français (parues chez divers éditeurs : Actes-Sud, Stock, L’Eclat…)

Le nouveau projet de Michel Eckhard Elial vise à enrichir la connaissance auprès du lecteur français du poète « national » Yehuda Amichaï (1924-2000). La vocation singulière que le poète partage avec les anciens prophètes est d’écrire souvent à travers l’évènement, de transformer le sens de l’existence passagère et même le désespoir en espoir. Que de chants écrits, et de beauté retrouvée, pour célébrer la fragilité des choses humaines. Nous retrouvons dans la poésie de Yehuda Amichaï l’expérience d’un homme accaparé aussi bien par la conscience historique d’un peuple qui renaît de ses cendres millénaires que par le dur métier d’exister en tant que père, citoyen, amant. Tout devient pour le poète le matériau même de l’éloge, de la lamentation et de la célébration.

Carole Fillière

 

Quand on commence son parcours professionnel avec comme exigence et comme cap l’excellence intellectuelle, quand on fait ses premières armes dans le monde singulier et stimulant de la recherche... quelle place donne-t-on à son intuition ? Et quand on fait le choix de travailler plusieurs années sur les thématiques de l’ironie et de l’intime, ne cherche-t-on pas une voie qui équilibre raison et sentiment ?

Carole a passé un certain temps, peut-être autant par défi que par prudence, à observer et analyser les idées et les émotions des autres avec beaucoup de finesse. Et puis, un jour, elle a choisi de quitter la rive et d’embarquer dans son travail ses propres élans et passions. De fine analyste, elle s’est métamorphosée en traductrice aussi rigoureuse que sensible.

Aujourd’hui, alors qu’elle traduit par ailleurs Federico Garcia Lorca, elle se lance dans la traduction d’une autre voix de femme, une voix puissante, celle de Lara Moreno. Une voix qui gronde, qui brûle autant d’émotions que de messages essentiels. Traduire ses poèmes ou un de ses romans, c’est permettre à de nouveaux récits, à de nouvelles idées de circuler plus librement. C’est aussi donner libre cours à une créativité que Carole explore en parallèle dans les échappées visuelles que sont ses collages et ses dessins.

Judith Matharan
Amie et lectrice immense

Benjamin Guérin

© DR

Demander à un peintre de faire son portrait… par écrit, voilà un paradoxe qui n’effraie pas Benjamin Guérin, poète, écrivain, céramiste, créateur du festival Les sources poétiques. Son rapport vital à la nature, à la création, à la respiration du monde apparaît comme une évidence. Rien d’anecdotique, mais une façon d’être ; des pays, il en a parcouru, des humains, il en a rencontré, tissé des liens que l’on sent très forts, encore aujourd’hui. Cette terre dont il parle, qu’il sculpte avec ses mains et ses mots de poète est un élément fondamental dans sa quête existentielle. De cette expérience du voyage, de la vie, ici et ailleurs, de la beauté et de la souffrance, il en résulte une énergie, une générosité et bien des interrogations. L’énergie lui est donnée par cette terre dure et magnifique qui entoure son foyer, par son amour des autres, sa famille, ses amis artistes, poètes, au service desquels il se consacre sans compter pour installer un festival de poésie en Margeride. Il est l’homme qui écrit, monte sur scène, et l’homme plus secret qui cache ses douleurs derrière un sourire, celui qui s’investit dans la recherche, en France ou à Harvard, pour aider ceux qui sont un jour confrontés à la mort et aux angoisses que suscite notre destin. Et cette terre à laquelle notre existence est liée, il la vit intensément et la défend, bien ancré dans le sol granitique de sa retraite lozérienne et le cœur grand ouvert sur le monde en feu.

Robert Lobet, artiste et éditeur de livres d’artiste
Décembre 2022

 

Juliette Léveillé

© DR

Des paysages, des portraits, des cailloux, des cabanes, des crânes, des fleurs, des fêtes, des voyages… le répertoire de Juliette Léveillé tisse une œuvre où le sujet et la rêverie se partagent l’espace. Les calques se superposent en douceur, la grâce des lignes, les textures et couleurs s'accordent et cohabitent dans une élégante harmonie. Depuis ses études en illustration à la HEAR de Strasbourg, elle illustre pour l’édition des portraits pour Les Arènes, des couvertures pour Gallimard Jeunesse, des articles du Monde, des Inrocks et de Télérama.

Dans le Lot, où elle vit désormais, on reconnaît au premier coup d’œil ses images illustrant les affiches de concerts, et pour être sûr.e de faire plaisir on se procure Cabanes publié chez Super Loto Éditions, dont les textes de sa sœur Emilie viennent se faire l'écho de la douceur poétique de ses paysages. Pour parler de son travail, peut-être peut-on citer la philosophe Anne Dufourmantelle lorsque, dans son très bel essai La puissance de la douceur, elle écrit : "La douceur est d’abord une intelligence, de celle qui porte la vie, et la sauve et l’accroît. Parce qu’elle fait preuve d’un rapport au monde qui sublime l’étonnement, la violence possible, la captation, la peur en pur acquiescement, elle peut modifier toute chose et tout être. Elle est une appréhension de la relation à l’autre dont la tendresse est la quintessence."

Son futur projet de livre raconte une histoire de caillou, ce sera coloré, poétique, et ça aura bien évidemment, la puissance de la douceur.

Anaïs Jacquemont, libraire et bouquiniste

Emilienne Malfatto

© Nataly Villena Vega

Emilienne Malfatto a retenu la leçon de Flaubert, à force d'observer, de cerner par les mots un objet, on le détache du monde, on l'isole. Ses livres sont ancrés dans le réel et toujours s'en échappent.
Ce sont des contes cruels, des tragédies en un acte, des reportages adressés aux disparus, où l'histoire se conjugue au présent et s'accorde à la cruauté de la vie. Son écriture à la fois elliptique, syncopée, répétitive creuse une interrogation profonde, un abime de sens, sans jamais l'épuiser. 

Adrien Bosc, Directeur adjoint de l'édition aux éditions du Seuil

Muriel Morelli

© DR

Muriel, je l’ai connue dans les bureaux des éditions Anacharsis, où elle apportait les dernières touches à sa brillante traduction d’une œuvre de Luigi di Ruscio, La Neige noire d’Oslo. C’était pourtant une gageure que de recréer la langue de ce texte fondé sur l’hybridité entre les genres, volontairement chambardée par un écrivain qui, pour reprendre l’expression de Muriel, « joue au cancre » et transcende les règles linguistiques par sa créativité éruptive. Les années suivantes, elle a traduit Palmiro et Christs pulvérisés, du même auteur. Rien de surprenant à ce qu’elle ait été l’« apporteuse » de cette écriture de qualité passée entre les mailles des réseaux de transmission éditoriale entre l’Italie et la France. Car Muriel aime mettre sa culture et sa sensibilité littéraire, son attention pour les structures et les procédés de la langue, au service d’auteurs injustement méconnus ou oubliés, comme Luigi di Ruscio, donc, mais aussi Guido Morselli, dont elle a fait une nouvelle traduction de Dissipatio H.G. pour Rivages cette année, ou encore Giorgio Voghera, dont elle a traduit un pamphlet (Comment faire carrière dans les grandes administrations, Allia, 2021) qu’elle avait déniché en Italie.

Quand on se voit toutes les deux, tôt ou tard une de nos questions favorites surgit forcément : « Tu as lu quelque chose de bien, récemment ? » La dernière fois, je n’ai pas eu le temps de la lui poser : à peine arrivée, elle m’a déclaré, les yeux pétillants : « J’ai lu quelque chose d’excellent. » C’était Zebio Còtal¸ de Guido Cavani, le roman pour lequel elle a obtenu cette bourse.

Laura Brignon, traductrice

Nicolas Rouillé

© DR

Nicolas Rouillé se fait vieux ! Autrefois, il était parti à l’autre bout du monde, en Papouasie Occidentale, et nous avait ramené un roman choral lumineux traitant d’une exploitation crasse – minière et coloniale –, Timika Western papou (Anacharsis, 2018). Aujourd’hui, il part à moins de cent kilomètres de chez lui, tranquille, comme on part camper sur un coup de tête. Mais ne nous y trompons pas : ce qu’il cherche en collectant des témoignages autour de la mine d’or et d’arsenic de Salsigne, dans l’Aude, c’est encore une fois la même chose : revenir à l’humain, dans toute sa complexité, quand la grille de lecture actuelle ne laisse le choix qu’entre mythifier ou conspuer l’extraction minière.

Marcus Palmer

Anne Sol

© DR

Anne est un voilier, bon vent, mauvais vent, elle maintient le cap. Petite, à Malakoff, elle voyage dans sa tête avec ses fidèles compagnons : les livres. Mais dès qu’elle peut, elle part à Dublin... trois ans de totale liberté avec son appareil photo, ses amies, son regard curieux sur ce qui l'entoure et son attention pour le détail que j’ai toujours admirée. De retour en France, elle entre à l’école de Gobelins, puis travaille comme iconographe pendant plusieurs années, avant de compléter son parcours avec une formation d’éditrice. En 2008, elle remet les voiles et avec sa tribu grandissante, elle traverse l’Atlantique pour aller vivre à Montréal, où elle collabore comme directrice artistique aux Éditions de la Bagnole et publie plusieurs titres pour la jeunesse. Deuxième retour en France en 2016, elle s’installe dans la région toulousaine et repart vers de nouvelles aventures. Dans ses illustrations, elle sait se mettre à la place de ses lecteurs qu’ils soient des tout-petits aux doigts potelés ou des grands enfants, la tête pleine de rêves. Partant de la photo, en passant par le dessin et le photomontage, Anne nous offre des paysages oniriques, doux et percutants. Poucette est le conte qui l’accompagne depuis l’enfance, celui qui l’inspire, celui qui l’interroge et je sais qu’elle saura superbement l’illustrer. Je suis très heureuse de collaborer avec elle sur l’histoire de cette toute petite fille qui apprend à dire non, qui apprend à dire « je suis moi » contre vents et marées, bon vent, mauvais vent, un peu comme Anne Sol.

Michela Orio, conteuse

Audrey Spiry

© DR

Texte portrait à venir.

Elis Wilk

© DR

Au loin, les lumières, soutenu par Occitanie Livre et Lecture, a d’emblée suscité mon intérêt. Ce projet d’Elis Wilk se situe à la lisière entre fiction et autobiographie, entre album jeunesse et roman graphique, entre poésie et documentaire. En somme, il se situe hors des sentiers battus. Il s’inscrit graphiquement dans la veine de L’appel de la lune (2018, nomination Prix Sorcières), et plonge dans l’univers rural de l’enfance d’Elis. Elle y retranscrit impressions, émotions, mêle le réalisme à l’onirisme. Le texte et les images s’articulent pour restituer au mieux les sensations intimes de la jeune protagoniste, dans un langage à la fois travaillé et accessible, à hauteur d’enfant.

Elis Wilk mêle photographies, gravures, fonds et textures peints manuellement et traitement numérique. Cela confère aux planches un côté documentaire qui sied au propos, alors que le travail des couleurs et des ambiances penche du côté évocateur, sensoriel et onirique.

Elis est arrivée à l’illustration après une première vie dans laquelle elle a étudié les lettres, le cinéma, s’est passionnée de théâtre, d’arts graphiques et de photographie. Forte de ce parcours multidisciplinaire, elle aime faire sortir ses livres de leurs pages le temps d’une lecture dessinée, d’une performance sonore, d’une exposition. Lors d’animations, elle partage avec son public le plaisir de la créativité : elle l’invite à créer une histoire, à utiliser librement les traits et les couleurs. De livre en livre, et bien qu’ils soient tous différents, elle définit une œuvre juste et sensible.

Fanny Deschamps, éditrice

Hélène Zimmer

© Hélène Bamberger

Hélène Zimmer est autrice, scénariste et réalisatrice.

Elle a publié deux romans aux éditions P.O.L. Dans son premier, Fairy Tale (Prix Marie-Claire 2017) qui prend la forme d’une satire sociale et qui relate l’expérience du chômage, de la téléréalité et de la charge mentale, Hélène se révèle être une virtuose du dialogue. Dans Vairon (2019), roman historique qui va à l’encontre de toute forme de psychologie, ce sont les descriptions charnelles, brutales, sensorielles des milieux anarchistes et féministes de la Belle Epoque qui saisissent.

Hélène a aussi écrit et réalisé un long métrage sorti en 2015, À 14 ans, qui suit trois adolescentes pendant leur dernière année de collège. Elle a co-écrit avec Benoit Jacquot Journal d’une femme de chambre, qui a été sélectionné en compétition à la Berlinale en 2015 et nominé aux Césars en 2016 dans la catégorie meilleure adaptation.

Coralie, Zulma, Célestine, Sarah, Jade et Louise… Hélène Zimmer met en scène des personnages féminins qui se transforment, dans les yeux desquels brillent des flammes, qui portent en elles une révolution.

Pour son troisième livre, Hélène Zimmer imagine une intrigue qui se déploie dans une nature sauvage sous haute surveillance. Elle y explore les conditions de la privatisation de la nature dans un univers circonscrit, en s'inspirant du nouveau journalisme. Par la fiction, elle propose une expérience sensible de la sauvagerie capitaliste.

Oriane Delacroix