Et si... le jeu...
… le jeu nous permettait de réinventer le monde du livre
Dans un contexte (post ?) Covid, la question est sur toutes les lèvres : et si nous faisions différemment ? Et si nous reconstruisions plus en accord avec nous-mêmes et avec le monde ?
Ces deux mots de l’enfance - « Et si » - permettent de faire jaillir un monde, de rêver, mais aussi d’apprendre, de grandir, de comprendre, d’expérimenter. Et si ce jeu fondateur nous guidait, à nouveau, pour réinventer le monde ?
Et si… la Médiathèque Départementale de l’Isère contactait Grenoble École
de Management pour réinventer le monde du livre ? Ce fut le cas lors d’une riche et passionnante collaboration pour la création du serious game Public Déclic ! L’objectif ? Faire découvrir aux bibliothécaires salariés et bénévoles en formation l’ensemble des atouts d’une bibliothèque (ressources documentaires, multimédia, espaces spécialisés, services mais aussi grainothèque ou encore jeux vidéo) et leur apprendre à les mobiliser pour créer toutes les expositions, rencontres, ateliers en fonction du public visé.
… l’alliance de la fiction et du jeu permettait d’éveiller la curiosité
Inutile de rappeler que c’est par le jeu que l’être humain se construit (1). C’est par lui que l’enfant comprend et interagit avec le monde qui l’entoure. Introduire le jeu notamment par le biais de la fiction, c’est s’assurer d’éveiller la curiosité de l’enfant qui est en nous.
Dans le secteur du tourisme, jeu et fiction font déjà œuvre commune (2). De plus en plus de villes recourent à la fiction – associée au jeu – pour permettre de capter l’attention, de créer de l’envie, voire de l’engagement, auprès des visiteurs. Ceux-ci découvrent ainsi des anecdotes historiques, géographiques ou architecturales dissimulées sous les énigmes d’une chasse au trésor (3).
Ce « cadre narratif » est d’ailleurs un des huit facteurs favorisant l’immersion et l’implication des joueurs (4) dans un jeu. Le mettre en place permet aux joueurs de s’impliquer, de s’approprier l’histoire mais aussi de déclencher leur imagination.
Ainsi, le jeu Public Déclic met en scène un village de lutins dans lequel les bibliothèques Citrouille, Bleuet, Champignon et Tournesol s’affrontent pour élire la bibliothèque qui aura l’honneur d’organiser en ses murs la fête du solstice d’été. Pour s’assurer de la victoire, il s’agit de convaincre le maximum de villageois de rejoindre sa propre bibliothèque. C’est grâce à cette fiction que les bibliothécaires s’engagent dans le jeu et découvrent les atouts des bibliothèques.
... le mélange de la réalité et de la fiction servait la transférabilité et l’empathie
Mêler réalité et fiction, c’est permettre une meilleure transférabilité entre le monde du jeu et le monde réel. Cet équilibre est un des facteurs-clefs des serious games qui s’épanouissent notamment dans le monde de la formation depuis une quinzaine d’années (5) . Ils sont, en effet, un savant équilibre entre contenu ludique et contenu pédagogique. Cette qualité leur permet d’aborder des sujets divers et variés tels que l’industrie pétrolière (6), le sexisme (7), l’écologie (8), les nouveaux business modèles et leurs conséquences (9) et même des sujets encore plus sensibles tels que les migrants syriens (10), la maladie (11) ou encore la question de l’éthique en finance (12).
Dans chacun de ces serious games, les joueurs sont invités à « se mettre à la place de ». Leur empathie est sollicitée ; le jeu leur propose d’appréhender la situation sous un autre angle. Dans Uber Game, le joueur incarne un chauffeur Uber et doit réussir à rentrer dans ses frais, voire à gagner un peu d’argent avant la fin du mois. Dans Enterre-moi mon amour, le joueur incarne le mari d’une jeune syrienne partie rejoindre l’Europe.
De même, Public Déclic propose des cartes avec des personnages. Il y a, par exemple, Sherazade qui aime le sport et ses amis mais qui ne se sent pas concernée par la bibliothèque car elle ne parle pas très bien français.
Il s’agira pour le joueur de se mettre à la place de cette jeune femme et de comprendre ce qui pourrait lui donner envie de venir en bibliothèque.
… de l’équilibre entre règles et liberté naissait la créativité
« C’est en jouant, et peut être seulement quand il joue, que l’enfant ou l’adulte est libre de se montrer créatif. » (13) Le jeu dans son essence-même impose des règles avec lesquelles le joueur doit jouer pour emporter la victoire. « Le jeu consiste dans la nécessité de trouver, d’inventer immédiatement une réponse qui est libre dans les limites des règles. » (14) Le jeu par essence est donc intrinsèquement lié à la créativité. Par certains mécanismes particuliers – tel que cet équilibre entre règles et liberté – il permet à de nombreux joueurs de se découvrir créatifs. Ainsi, les serious games sont de plus en plus utilisés dans le domaine de l’innovation.
C’est donc assez naturellement que les bibliothécaires trouvent une solution pour Sherazade mais aussi pour David, Valentin, Christine, Marius et tous les autres personnages de Public Déclic. Ce faisant ils/elles inventent le futur de la bibliothèque et de la relation à l’usager.
Le jeu n’a pas fini de nous accompagner à ré-inventer le monde. Et si on jouait ?