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La coopérative, un modèle alternatif. L’exemple de la librairie La Cavale

Article de l'équipe de la librairie La Cavale, Montpellier

Photo © Nanda Gonzague

Organisée en Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) et située à Montpellier, La Cavale incarne une aventure humaine collective placée sous le signe de l’économie sociale et solidaire. Animée d’une volonté d’ouverture de la culture du livre à tous les publics, avertis ou empêchés, elle compte plus de 400 coopérateurs, 2 libraires salariés, occupe un local de 100 m² et propose plus de 13 000 références. L’originalité de son projet a été saluée par le magazine Livres Hebdo, qui lui a attribué en 2019 le Grand Prix de la création de librairie.

La Cavale est née en 2018 de la volonté des clients de l’ancienne librairie du quartier, L’Ivraie, de maintenir une librairie dans le quartier des Beaux-Arts à Montpellier. Faute  de  repreneur individuel, le modèle coopératif s’est imposé comme une solution originale et ambitieuse. Il ne s’agissait pas seulement de créer une librairie comme les autres, mais d’incarner une alternative au modèle classique de l’activité de libraire : proposer un modèle collectif, démocratique, intégrant des enjeux non seulement économiques (pérennisation de l’activité et de l’emploi), mais aussi culturels et sociaux, au service de l’inclusion sociale, de l’éducation populaire et de la culture pour tous.

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De gauche à droite : Julie Azarli (comité maintenance entretien travaux), son fils Milan, Julien Haution (libraire), Sylvain Bertschy (président de la Cavale), Marguerite Cros et Julie Blanc (comité communication)
© Nanda Gonzague

Ce modèle coopératif permet d’abord de ne plus fonctionner selon la distinction tranchée entre  le vendeur et le client : celui-ci n’est pas seulement consommateur, mais aussi, quand il est coopérateur, un membre actif de la collectivité de l’entreprise, qui prend part aux délibérations et aux décisions, dans une logique de complémentarité avec les libraires salariés (qui gardent la main sur les « fondamentaux » du métier de libraire : gestion des stocks, vente, lien avec les distributeurs, etc.). À La Cavale, on peut choisir d’être un simple client ou de s’investir dans les comités relatifs aux différents aspects de l’activité (pilotage, communication, travaux, finances, animations, etc.).

Ce modèle incarne une alternative démocratique à la structure souvent verticale et rigide des entreprises classiques : les décisions se prennent en commun, de manière horizontale, dans les divers comités, et les grandes orientations sont validées en assemblée générale. La délibération prend du temps et de l’énergie, mais elle permet d’élargir le champ des possibles, d’enrichir les discussions d’une grande pluralité de points de vue, de favoriser le partage des expériences. C’est parfois compliqué à mettre en œuvre, mais tellement plus satisfaisant pour tout le monde !

La dimension collective du projet permet de ne pas cloisonner les compétences, ni d’opposer les « compétents » aux « incompétents » : l’idée directrice, c’est celle d’un apprentissage permanent, tout le monde apprend « sur le tas » au contact des autres ! L’intégration des nouveaux coopérateurs se fait de manière continue, par des pratiques concrètes dans des groupes de travail : on valorise ce que chacun sait faire le mieux, mais on considère aussi que chacun (salarié ou coopérateur) peut apprendre quelque chose de nouveau, par la mise en commun des savoir-faire.

À certains égards, la vie coopérative complique la tâche des libraires salariés (ils ne décident pas tous seuls, mais doivent convaincre le collectif et intégrer les arguments des autres), mais elle la simplifie aussi : de nombreuses missions chronophages et complexes sont assurées par les coopérateurs actifs, ce qui favorise une meilleure répartition des tâches et permet aux salariés de se concentrer sur leurs missions prioritaires… sans faire exploser le décompte de leurs heures supplémentaires ! Le collectif donne aussi à la librairie une puissance d’action incomparable : les très nombreuses animations qui sont proposées, dans les murs de la librairie ou « hors les murs », ne seraient pas possibles sans la mobilisation des coopérateurs. La coopérative forme un vaste réseau humain, en prise avec la vie du quartier et au contact des associations, commerces et institutions de l’agglomération.

Ainsi, La Cavale n’est pas une simple librairie : c’est un projet citoyen, qui intègre son activité économique dans des projets culturels et sociaux d’éducation populaire, en portant des valeurs d’inclusion et d’égal accès à la culture. L’enjeu principal, c’est de faire vivre la culture sur un territoire, auprès de tous ses habitants ; c’est de faire vivre le livre autrement, d’aller à la rencontre des « publics empêchés », de faire sortir la librairie de ses murs pour en faire un acteur à part entière de l’émancipation par la lecture. Le livre ne doit pas exclure, mais inclure !

Un jour comme un autre à La Cavale © Nanda Gonzague  

Le SLIP, le Service de LIvres à la Porte

Le SLIP, l’acronyme, qui nous a valu un joli buzz médiatique, a été trouvé par une coopératrice. Il est géré par les libraires, mais des coopérateurs viennent donner un coup de main et assurent un service de livraison, parfois pour d’autres librairies indépendantes. Sans eux, impossible de livrer les personnes qui ne peuvent se déplacer.

« LA CAVALCADE» le vélo cargo de La Cavale

« La Cavalcade assure un trait d’union indispensable entre la librairie, le livre, son territoire et ses habitants ; y compris et surtout vers ceux qui ignorent ou n’osent pas franchir la  porte de  la librairie… Notre objectif c’est d’aller au contact des gens (adultes, enfants), qui sans ça n’auraient pas fait la démarche. »
Des animations dédiées s’appuient sur les professionnels du livre, les réseaux associatifs, les maisons de quartiers, les écoles et médiathèques, les  instituts médico-sociaux. Il s’agit de créer du lien autour des livres.


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