Super Loto
[Rencontre proposée par la bibliothèque départementale du Lot]
Quelques questions à Camille Escoubet, éditeur
Pourquoi êtes-vous devenue éditeur ?
Pourquoi, je ne sais pas, mais comment, je le sais : sans faire exprès. J'avais cette idée en tête depuis de nombreuses années, sans oser imaginer sauter le pas, bien que je flirtais avec l'édition depuis quelques années déjà : par le biais de l'édition de fanzines collectifs, et par mes études d'histoire et de théorie de la bande dessinée dans le cadre de mon Master d'Histoire de l'Art à l'Université. Ensuite, après mes études, j'ai refondé l'Imprimerie de mon père avec lui et des amis, dans un petit village du Lot. La pratique des techniques d'impression et de composition manuelle à l'Imprimerie Trace, ajoutée à mes connaissances en théorie de l'art, histoire de la bande dessinée et pratique du fanzine collectif m'ont naturellement amené à vouloir "imprimer" des beaux ouvrages d'artistes. Je n'avais pas encore saisi que le rôle d'éditeur était seulement différent de celui de l'imprimeur d'art dans le fait de prendre en charge le processus de conception et de la vente des objets qu'on avait choisi d'imprimer... Et paf, ça fait une maison d'édition.
Le livre que vous avez édité et qui a tout changé pour vous
Chaque livre est une nouvelle pierre sèche dans la gariotte qu'est la maison d'édition. Je plaisante, l'image est (volontairement) ringarde.
Je plaisante, mais pas tellement finalement : chaque livre est important, donc il est impossible de choisir quel(s) livre(s) ont été primordiaux. D'un point de vue artistique, ils le sont tous. Je peux en revanche me rappeler de quelques titres qui ont été des jalons importants de la maison d'édition, mais ce serait uniquement pour des considérations matérielles et pas forcément artistiques : tel livre était entièrement fabriqué à l'Imprimerie Trace, tel livre a eu un prix, tel livre a dépassé les 1000 exemplaires ou a même été réimprimé ou réédité, celui-ci a été entièrement fabriqué par un imprimeur conventionnel à l'autre bout de l'Europe pour des raisons de coût, celui-là était un casse-tête à fabriquer, ce dernier a inauguré une nouvelle collection...
Le message que vous souhaitez défendre
Il y en aurait beaucoup, mais sur les considérations liées à la pratique de la petite édition de bande dessinée / illustration / impressions artisanales, nous sommes dans une nouvelle phase : celle où les artistes-auteurs, malgré les nombreuses demandes régulières, n'ont toujours pas de statut pour pouvoir espérer vivre décemment ; et face à cela, pour enfoncer le clou, tout le secteur subit l'inflation avec la flambée des matières premières, et un début d'écroulement des ventes de livres ces derniers mois. L'édition indépendante et alternative, dans la grande marmite de l'édition, risque de se noyer du fait de la surreprésentation des gros éditeurs, que ce soit au niveau des ventes en librairies, ou même, depuis très récemment, d'un point de vue médiatique. Et plus que jamais, dans tous les champs éditoriaux, nous avons besoin de structures indépendantes et alternatives, pour continuer de faire vivre la création, faire émerger la nouvelle, défendre la bibliodiversité et faire des jeux de mots pourris imprimés et diffusés par centaines ou milliers d'exemplaires.
Votre actualité
Beaucoup d'actualités ce printemps ! D'abord et surtout, un livre très important, Extra-Végétalia (partie 2) de Gwénola Carrère, qui est la suite et la fin d'une aventure de science-fiction botanique et féministe entamée il y a deux ans, dans la collection principale de la maison d'édition, "Banco" ; mais aussi la suite d'une série d'un des piliers de la maison d'édition, Oudin Ojjo, avec son fanzine Groupe Ballard Fan Club Review #3, véritable manifeste du fanzinat, entièrement fabriqué par l'auteur-éditeur-imprimeur avec toutes les techniques disponibles à l'Imprimerie Trace : typographie, sérigraphie et risographie, et qui prend place naturellement dans la collection de fanzines, "Numéro Complémentaire".
Et bien sûr dans la collection "Quine", un nouveau titre par Soia et moi-même à l'occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris : La flemme olympique, coffret de cartes postales évoquant les Jeux, accompagné de plusieurs expositions dans des librairies en France ;
Enfin, dans la même collection, la nouvelle série de 6 affiches FabulOcc par 5 autrices et auteurs, conçues comme le détournement des anciennes affiches touristiques, à l'échelle de la Région Occitanie.