Quand l'écologie du livre devient (enfin) sérieuse...
C’était au temps de la Préhistoire…
Celui où des humains commençaient à décrypter l’usage qu’ils pouvaient faire des ressources, et surtout les conséquences environnementales que cela pouvait avoir.
Ce temps-là, c’était il y a à peine une quinzaine d’années, à la fin des années 2010. Et ces humains, c’était la dizaine de maisons d’édition qui s’étaient réunies pour créer le collectif des éditeurs écolo-compatibles*.
Le travail de ces défricheurs était à la fois enthousiasmant et rude. Enthousiasmant parce que s’ouvraient à la fois des réflexions intellectuelles, économiques, sociales autour de cette étrange notion qu’était « l’écologie du livre »…
Rude parce que le sujet, à la hauteur de son importance, était vaste et touffu : par quoi fallait-il commencer ? Et qu’est-ce qui était « efficace » et qu’est-ce qui ne l’était pas vraiment ? Papier recyclé ou papier de fabrication ? Impression en Chine ou dans le Berry ? Livre papier ou numérique ?… Déjà, le spectre du greenwashing pointait le bout de son nez…
Quinze ans plus tard, l’écologie du livre ne fait plus sourire personne, il est même devenu essentiel de s’y pencher, et tout le monde s’y est mis : les autrices et auteurs, les maisons d’édition, les librairies, les bibliothèques. Et les institutions : au Syndicat national de l’édition (SNE), au Centre national du livre (CNL), au Syndicat de la librairie française (SLF), dans les agences régionales du livre… pas une ne veut (ou ne peut) se passer désormais de sa charte ou liste de préconisations.
Tant mieux.
Mais tout ça part un peu dans tous les sens, chacune et chacun tentant de son côté de réinventer à chaque fois le fil à couper les pages de livres…
Et surtout chacune et chacun se rappelle qu’elle ou il est acteur de ce que l’on appelle la « chaîne du livre ». Il serait donc peut-être intéressant, voire indispensable, de mener échanges et réflexions entre tous les membres de cette grande chaîne…
C’est dans cet esprit que l’association des Éditeurs indépendants de la région Occitanie (ERO) et l’Association des librairies indépendantes d’Occitanie (ALIDO) ont travaillé ensemble en 2023 à l’établissement d’une charte commune de l’écologie du livre.
En s’écoutant, en se (re)découvrant, en échangeant, en cherchant leurs spécificités d’actions possibles mais aussi leurs points communs.
C’est là sans doute la plus grande richesse de cette démarche : estimer que l’écologie du livre ne peut se construire qu’en considérant non pas sa seule activité mais celle-ci en relation avec les autres.
Ce n’est qu’un début.
D’abord parce qu’une charte n’est rien d’autre qu’une affirmation de bonnes intentions, et qu’elle n’a pas d’autre rôle que d’être un point de départ pour lancer des actions.
Ensuite parce qu’au-delà des liens éditeurs-libraires, il est temps, nécessaire et urgent d’échanger aussi avec les autrices et auteurs, les diffuseurs, les distributeurs, les bibliothécaires et les institutions porteuses de politiques culturelles du livre.
Un projet en ce sens pointe le bout de son nez en ce début 2025 : celui d’organiser collectivement un point de distribution régional des ouvrages des maisons d’édition indépendantes d’Occitanie. Pour leur offrir une visibilité qu’elles ont du mal à avoir ; pour proposer aux libraires un service proche et rapide ; pour réduire l’aberration écologique d’un système trop centralisé.
Que le livre soit le mieux possible disponible, cela semble être la base de nos métiers ; l’écologie du livre permet sans doute de se le rappeler avec force.
