
Transition écologique dans le spectacle vivant et le cinéma en Occitanie... action !
Dessin © Julien Revenu
À l’heure où la traditionnelle représentation de « chaîne du livre » cède doucement la place à un « écosystème du livre », les manières de penser en silo s’estompent progressivement au profit de réflexions d’ordre interdisciplinaire. Faire preuve de curiosité, d’ouverture, d’intérêt aux manières d’agir d’autres secteurs peut être riche d’enseignements pour envisager cette nécessaire transition. À ce titre, où en sont les filières spectacle vivant et cinéma/audiovisuel en Occitanie dans leurs pratiques écologiques ?

Spectacle vivant
entretien avec Sandrine Courouble

Cinéma/audiovisuel
entretien avec Estelle Cavoit
Tire-Lignes : Depuis quand et comment Occitanie en scène a intégré réflexion et pratique écologiques dans son activité ?
Sandrine Courouble : Depuis plusieurs années, Occitanie en scène est engagée dans une démarche écoresponsable. À l’échelle de l’agence, un groupe de travail RSE* a été mis en place et un plan d’actions défini. Cela se traduit par exemple par le tri des déchets, la mise en place d’une politique d’achat plus responsable (avec l’intégration de critères de RSE), l’usage prioritaire d’outils et de solutions libres, ou encore une politique d’embauche inclusive et paritaire. Par ailleurs, Occitanie en scène privilégie les fournisseurs locaux ou ceux qui ont une politique environnementale forte, propose du covoiturage et des repas végétariens lors de ses événements et rencontres professionnelles.
T.-L. : Et dans les actions mises en place pour les professionnels ? Un budget spécifique est-il dédié ?
S. C. : Occitanie en scène déploie diverses actions et projets au service d’actrices et acteurs culturels. Parmi eux, deux projets ambitieux dans lesquels l’agence s’est investie avec l’appui de financements spécifiques. Entre 2021 et 2023, dans le cadre des programmes opérationnels FEDER Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, Occitanie en scène a porté l’ingénierie et la mise en œuvre du projet intitulé Plan Led Spectacle Vivant Occitanie, visant à accompagner la transition énergétique des structures de spectacle vivant vers la technologie Led, notamment pour l’équipement scénique.
Occitanie en scène a par ailleurs coordonné le projet Objectif 13, projet de recherche-action** interrégional. Mis en place en novembre 2021 pour une durée de deux ans, Objectif 13 a permis de connaître, comprendre, analyser les enjeux et accompagner la décarbonation du spectacle vivant en coconstruisant des outils adaptés aux filières de ce secteur autour de trois axes principaux : améliorer le diagnostic, anticiper les impacts sur le travail, innover et expérimenter collectivement.
T.-L. : Comment les actrices et acteurs du secteur s’emparent de cette question écologique ?
S. C. : Par la nature de ses activités et de ses effectifs, le secteur du spectacle vivant en France éprouve une assez grande sensibilité aux enjeux de société et notamment ceux de la transition écologique et sociale, comme ceux faisant référence à des indicateurs économiques ou sociétaux
(inclusion, égalité femmes-hommes, etc.). Et même si de nombreux actrices/acteurs et réseaux culturels mettent en œuvre des actions pour réduire leur empreinte carbone et pour être plus vertueux sur le plan écologique, et expriment un désir sincère de s’engager, une vraie difficulté persiste à trouver des espaces pour le faire, et les ressources existantes sont encore assez mal connues.
T.-L. : Quels sont les projets, les axes de travail à venir ?
S. C. : Occitanie en scène poursuivra entre autres en 2025 le déploiement des ressources et des actions d’accompagnement à la décarbonation, initiées dans le cadre du projet Objectif 13 (ateliers de la redirection écologique dans la culture ; atelier « Adopter des pratiques numériques responsables » ; sessions de formation de formatrices et formateurs Objectif 13, etc.). Nous poursuivrons également notre travail de sensibilisation et de conseil notamment autour de l’égalité femmes-hommes dans le spectacle vivant (charte, autodiagnostic).
*RSE : Responsabilité sociale de l'entreprise
**La recherche-action est une méthode qui vise à la fois à transformer la réalité et à produire des connaissances sur ces transformations.
Tire-Lignes : Depuis quand et comment Occitanie films a intégré réflexion et pratique écologiques dans son activité ?
Estelle Cavoit : L’équipe d’Occitanie films est sensibilisée depuis plusieurs années aux questions environnementales, qui se traduisent par de nouvelles pratiques au quotidien (favoriser les déplacements en train, mettre en place des solutions de covoiturage lors d’organisation de rencontres), mais aussi dans le choix de programmation de films documentaires par exemple. Naturellement, les démarches nationales (lancement du Plan Action ! du Centre national du cinéma et de l’image animée - CNC en juin 2021) ont trouvé un écho à l’agence et nous ont poussés à aller plus loin, vers de nouvelles initiatives, en adéquation avec nos engagements et convictions personnelles.
La première de ces initiatives, en 2021, a consisté au lancement d’un groupe d’analyse de pratiques à destination des professionnels, pour leur permettre de partager leurs expériences et leurs problématiques en matière d’écoresponsabilité. Ce groupe ciblait deux domaines d’activités : tournages et festivals. Les nombreuses réponses à l’appel à participation lancé alors ont révélé un fort intérêt pour réfléchir et agir plutôt sur les tournages (très énergivores), resserrant de fait l’action de l’agence sur cet axe. À cet effet, nous avons mis en place, entre février et juin 2022, plusieurs sessions de travail de ce groupe, encadrées par l’association nationale Écoprod* et réunissant une quinzaine de participants.
T.-L. : Quelles autres actions l’agence a mises en place pour les professionnels ? Un budget spécifique est-il dédié ?
E. C. : Depuis la mise en place de ce groupe d’analyse de pratiques, Occitanie films adhère à l’association Écoprod et a mis plusieurs choses en place, comme une page de ressources en ligne sur son site où trouver outils et informations dédiés aux professionnels ou encore l’accueil dans ses locaux de formations courtes (une ou deux journées) à destination des techniciens et responsables de production, sur plusieurs thématiques, comme l’utilisation du calculateur carbone pour mesurer l’impact d’un projet. La problématique environnementale est présente dans notre quotidien de travail même si nous ne disposons pas de budget dédié. Nous menons une veille constante sur les ressources, leviers et bonnes pratiques à partager régulièrement à nos réseaux.
T.-L. : Comment les actrices et acteurs du secteur s’emparent de cette question écologique ?
E. C. : Le Plan Action ! du CNC et les nouvelles exigences des pouvoirs publics en matière d’écoresponsabilité poussent les productions à porter un regard sur leur consommation énergétique, mais on sent qu’il existe encore des freins à l’action. Par exemple, en 2021, nous avons relayé un appel de la Commission paritaire nationale (CPNEF-AV**) qui souhaitait favoriser partout en France l’apparition de nouvelles formations certifiantes (Certificat de compétences professionnelles « Déployer une démarche écoresponsable dans sa pratique professionnelle au sein de la production audiovisuelle et cinéma ») : deux organismes de formation d’Occitanie se sont positionnés et leur proposition a été retenue parmi les six offres certifiantes en France (un vrai succès sur le papier !),mais malheureusement, leurs formations ont dû être annulées faute de participants. Nous avons mesuré également, par les retours d’expériences, que les éco-référents doivent batailler sur les plateaux de tournage pour se faire entendre, et que la démarche soit comprise et intégrée par les équipes. À l’inverse, nous remarquons aussi des professionnels très engagés et des productions qui adaptent leurs pratiques à tous types de budgets. Par exemple, parmi les douze productions ayant reçu le label Écoprod Pionnier en 2022, trois sont des séries produites ou tournées en Occitanie (ASKIP saison 5, Amsto, Capa Drama, diffusé sur France 4 / Patience mon amour saison 2, Bachibouzouk, diffusé sur ARTE / Un si grand soleil, France.TV Studio, diffusé sur France 2).
T.-L. : Quels sont les projets, les axes de travail à venir ?
E. C. : À l’avenir, nous allons continuer notre travail de sensibilisation, accueillir de nouvelles sessions de formation (au minimum une par an), et poursuivre le dialogue avec les actrices/acteurs du territoire. À l’échelle nationale, la CPNEF-AV a lancé un grand chantier de référencement des prestataires et des professionnels qualifiés dans ce domaine (éco-managers ou éco-référents), qui pourrait être intéressant à décliner en région pour répondre à la demande des productions.